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CARMEN PROJECT

Marie-Chloé Pujol-Mohatta investit le Couvent des Cordeliers - Musée d’art et d’histoire, et choisit à cette occasion d’explorer la figure mythique de Carmen.

Introduction

Marie-Chloé Pujol-Mohatta investit le Couvent des Cordeliers - Musée d’art et d’histoire, et choisit à cette occasion d’explorer la figure mythique de Carmen. L’artiste se saisit du cloître - un écrin sacré pour Carmen - dont l’architecture se prête parfaitement et symboliquement au jeu du découpage des actes d’un opéra, pour proposer au visiteur une immersion dans l’intimité de l’héroïne. Elle nous livre sa vision personnelle et féminine du personnage au travers d’un conte visuel et poétique. Dessins, textes, costumes, objets et création sonore révèlent les métamorphoses du personnage dans l’univers de l’artiste.

Marie-Chloé Pujol-Mohatta a choisi d’écrire un conte librement inspiré de la nouvelle de Prosper Mérimée et de l’opéra de Georges Bizet pour en faire le fil conducteur de l’exposition et nous livrer les clefs de ce qui nous est donné à voir.

 

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Le vestiaire de Carmen

Dans ce conte, le vêtement est un révélateur, un outil qui cache et qui montre à la fois l’intimité d’un corps, d’une histoire, d’une personnalité. Il est comme une seconde peau qui recouvre, transforme et sublime un être, ici Carmen. Il participe au processus de création et de métamorphose, ouvrant la voie à la beauté de la résilience.

Ainsi, le rapport qu’entretient Marie-Chloé Pujol-Mohatta au vêtement et à la création textile est immédiatement perceptible. Sa formation de styliste nourrit un travail précis et ouvragé qui pourrait s’apparenter à celui d’une brodeuse.

Dans leur traitement, ses dessins se situent à la frontière de la gravure de mode, de l’illustration et de l’enluminure. Ses personnages chimériques aux allures de chamanes se déploient en galeries de portraits qui ne sont pas sans rappeler les cabinets de curiosité.

Les thèmes de l’animalité, du vêtement et de la parure occupent une place centrale dans son travail, renvoyant à des questions d’ordre sociétal, rituel et mythologique : quel rapport entretient l’homme à son instinctive animalité, à sa part sauvage, à la nature, à sa corporalité, à sa culture ? Quelle fonction symbolique occupe l’apparat ?

 

Les costumes dessinés par Marie-Chloé Pujol-Mohatta, pour le ballet Carmen présenté par le Conservatoire de Danse du Grand Avignon à l’opéra en 2013, sortent de leurs réserves pour être exposés dans la première salle. D’autres robes de contes et pièces textiles rythment la déambulation du visiteur à travers le cabinet de curiosités de Carmen, les salles et les ailes du cloître, ponctuant les illustrations qui se déploient sur les murs.

La figure libre, voyageuse, sauvage et indomptable de l’héroïne ouvre en outre le champ de l’exploration et l’artiste nous livre en écho, au travers d’un tour du monde imaginaire, une galerie de portraits de femmes-cavalières, des Carmens en puissance, connectées à leur animalité, pour lesquelles leur monture occupe symboliquement le lien entre le monde visible et invisible.

Carmen la gitane, l’universelle, trouve toute sa place dans la ville de Tarascon, riche d’une culture métissée. Sa personnalité entre en outre en résonance avec la figure de sainte Marthe : en apparence très éloignées l’une de l’autre - l’une est sainte, l’autre est frivole -, aucune n’a fait de concession et chacune a embrassé avec courage sa liberté d’être et de penser. Elles ont en commun leur intégrité et tiennent en horreur la tiédeur.

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LE CONTE

L’artiste a choisi de se placer à l’aune du regard de Carmen en personne. C’est sous la forme d’un conte qu’elle la fait parler, lui fait conter son histoire, des origines de sa naissance jusqu’à sa mort, afin de proposer une vision personnelle, intime et féminine de l’héroïne. Carmen prend la parole. Les codes du conte plongent le visiteur dans univers sombre, merveilleux, inquiétant, romantique, empli d’enchantements et de sortilèges, qui se rapproche esthétiquement de l’univers de l’artiste. Le texte devient la trame et l’ossature d’une exposition organique : le visiteur pénètre dans une histoire qui se déroule sous ses yeux.

Les métamorphoses de Carmen, figure archétypale de la liberté

L’artiste explore symboliquement les différentes facettes de Carmen et par là, les métamorphoses qui s’opèrent en elle au cours du récit. Carmen est insaisissable, changeante, troublante. Comme une chamane ou une sorcière, elle se transforme en animaux totem, incarnant par-là les différentes forces qui l’habitent, et qui tantôt s’opposent ou se complètent. Sa capacité à se métamorphoser est un pouvoir quasi résilient, elle s’adapte comme un animal qui lutte pour sa survie.

Carmen représente la figure de la femme sauvage. Outre son apparente cruauté animale, animaux et créatures fabuleuses apparaissent au cours du récit : loups, renard, corbeaux, cheval, centaure. En résonance avec son travail d’artiste qui a longtemps interrogé la part d’animalité chez l’être humain, Marie-Chloé Pujol-Mohatta développe dans son récit un bestiaire fantastique qui vient mettre en lumière la personnalité complexe de Carmen et des protagonistes qui l’accompagnent dans son histoire. Chaque animal ou créature incarne la ou les forces qui se manifestent en eux et plus largement en chacun d’entre nous.

1-1 Portrait de la mère de Carmen
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Carmen, de l’ombre à la lumière, Carmen et l’habit de lumière

Le conte met en lumière personnage de Carmen pour révéler une part de son âme jusque-là restée dans l’ombre. Cela fait écho à l’habit de lumière dont le toréro – figure incontournable dans la dramaturgie du récit - se revêt, lui qui en pleine lumière danse avec l’obscurité de la mort.

L’artiste tente ici d’expliquer et de défendre les choix de Carmen en racontant son histoire et en fait un personnage beaucoup plus nuancé que celle que l’on peut connaître. Le visiteur est invité à imaginer que sa conduite est certainement dictée par son histoire et par son sens inconditionnel de la liberté. Certes en apparence son comportement cruel et brutal a quelque chose d’animal, mais le choix de la liberté implique sacrifices et inconfort, et amènent immanquablement l’être à renouer avec ses forces instinctives et primitives. En Carmen s’opposent et s’épousent les forces d’Eros et Thanatos. Elle côtoie la mort sans la craindre, elle est dotée de la plus grande liberté qui soit : affranchie de la peur ultime, elle est en capacité d’être vivante. En mourant, Carmen pose un acte de fidélité à elle-même.